Page:Boutroux - Pascal.djvu/121

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qui écrit à un de ses amis habitant la province, pour le renseigner sur les disputes présentes de la Sorbonne. Montalte est, ainsi que Socrate, très ignorant, et très désireux de s’instruire auprès des gens qui se donnent pour compétents. Il voudrait bien savoir ce qu’on reproche à M. Arnauld et aux jansénistes. Il consulte un thomiste, un janséniste, un moliniste, un nouveau thomiste. Il apprend que le grief est de n’employer pas le mot pouvoir prochain.

Mais sous ce mot quelle idée faut-il mettre ? D’un commun accord molinistes et nouveaux thomistes écartent cette question, qui les diviserait. Que M. Arnauld dise pouvoir prochain ; il sera thomiste, partant catholique sinon, il est janséniste et hérétique. — Mais il n’appelle ce pouvoir ni prochain ni non prochain. — Il est donc hérétique. Il se refuse d’admettre ce mot prochain, parce qu’on ne le veut pas expliquer. Alors jésuites et nouveaux thomistes de s’écrier tous ensemble : il faut dire que tous les justes ont le pouvoir prochain, en faisant abstraction de tous sens. Vous le direz, ou vous serez hérétique. Car nous sommes le plus grand nombre ; et, s’il en est besoin, nous ferons venir des cordeliers.

La lettre parut anonyme, le 23 janvier 1666, et l’auteur n’en fut pas soupçonné. Elle troubla quelque peu M. Singlin, qui n’y retrouvait pas le ton de Saint-Cyran. Mais elle eut auprès du public un succès énorme, et causa une vive émotion parmi les théologiens et dans le monde politique. Les docteurs nommés dans la lettre entrèrent dans une violente