Page:Boutroux - Pascal.djvu/15

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de la vie, il croyait possible et légitime d’allier l’esprit du monde et l’esprit de piété, les vues de fortune et la pratique de l’Évangile.

Cependant, ses calculs d’éducateur se trouvèrent soudainement déjoués. Un des points de son programme auquel il tenait particulièrement était de ne point parler à l’enfant de mathématiques avant que celui-ci fut âgé de quinze ou seize ans. Or le jeune Blaise, précisément, était curieux d’explications sur les sujets mathématiques, et posait des questions à son père. Celui-ci refusait de répondre, promettant à enfant de lui donner cet enseignement comme récompense, quand il saurait le latin et le grec. Un jour pourtant, Blaise n’ayant encore que douze ans, son père le surprit, occupé à démontrer la trente deuxième proposition du premier livre d’Euclide, suivant laquelle la somme des angles d’un triangle est égale à deux droits.

Comment l’enfant était-il arrivé à se poser ce problème ? Selon le récit de Mme Périer, qui reste le plus vraisemblable, Étienne Pascal, pressé par les questions de son fils, lui dit un jour que la mathématique donnait le moyen de faire des figures justes et de trouver les proportions qu’elles ont entre elles. Pascal se mit a rêver sur cela à ses heures de récréation ; et, avec du charbon, il traçait des figures sur les carreaux, cherchant à les faire justes. Il appelait un cercle un rond, une ligne une barre. Il se forma des axiomes et des définitions, et il les combina en démonstrations successives. C’est ce qu’il expliqua son père, lorsque celui-ci, épouvanté, lui demanda comment il en était venu à la question qui l’occupait.