Page:Boutroux - Pascal.djvu/68

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l’esprit de finesse, la logique et le jugement, la force et la flexibilité, que l’amour donne de plaisir ! Certes l’amour est mobile, puisqu’il est une passion. Il faut quelquefois ne pas savoir qu’on aime c’est une misérable suite de notre nature humaine. Mais on n’est pas infidèle pour cela on prend des forces pour mieux aimer. Le rythme est l’artifice qu’emploie la nature pour se dépasser.

Ce que démontre le raisonnement, l’expérience le confirme. Nous naissons visiblement avec un caractère d’amour dans nos cœurs : cette impression se développe à mesure que l’esprit se perfectionne, et nous porte à aimer ce qui nous paraît beau, sans que jamais on nous ait dit ce que c’est.

Qui doute après cela si nous sommes en ce monde pour autre chose que pour aimer ?

Quel est, maintenant, l’objet de l’amour ? La méthode à suivre pour résoudre cette question consiste à chercher un objet digne de l’âme humaine, un objet qui ne la déshonore pas.

Il semblerait que, pour se contenter, l’homme n’eût qu’à s’aimer lui-même. Mais il ne peut souffrir de demeurer avec soi. Il sort donc de soi, et cherche ensuite à remplir le grand vide qui se fait ainsi dans son cœur. Ce qu’il cherche ainsi, c’est la beauté. Mais comme il est lui-même la plus belle créature que Dieu ait formée, c’est dans un être, humain comme lui, différent de lui, qu’il trouvera de quoi satisfaire son besoin d’aimer. La différence du sexe réalise cette condition. Et comme l’amour ne consiste, au fond, que dans un attachement de pensée, de raison, il est certain qu’il doit être le même par toute la terre.