Page:Boutroux - Pascal.djvu/89

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un soin jaloux la grâce que Dieu lui avait dispensée dans ces instants trop courts ; et, pour s’assurer contre la négligence, il voulait avoir toujours présent à son esprit et à ses yeux le témoignage de la miséricorde divine.

D’ailleurs, le travail de réformaticn totale qui désormais s’imposait à lui, n’était, pensait-il, que commencé. La source était purifiée. Mais l’homme naturel demeurait, avec son endurcissement et son impénétrabilités. Il s’agissait de faire couler dans toutes les parties de son être les eaux régénératrices. Il s’agissait, non plus seulement de concevoir et d’embrasser, mais de réaliser pleinement, dans ses actes, ses désirs et ses habitudes, l’idée de la vie chrétienne. Pascal s’y appliqua sans retard. La direction spirituelle qu’un reste d’orgueil lui avait quelque temps fait juger inutile, il la réclama ; et il demanda, pour cet objet, la personne à qui, visiblement, la Providence l’adressait, M. Singlin. Celui-ci, retenu à la campagne par ses infirmités, mit d’abord Pascal sous la conduite de sa sœur. Mais quelque temps après, il déchargea celle-ci de cette dignité, et prit lui-même en main la direction du pénitent. Il jugea qu’à Paris Pascal était trop distrait par ses relations, notamment par l’intimité de son bon ami le duc de Roannez ; et il l’engagea à se retirer dans un endroit désert. Pascal partit le 7 janvier 1655, avec le duc de Luynes, pour aller dans une de ses maisons. Puis, n’étant pas assez seul à son gré, il demanda une cellule à Port-Royal-des-Champs. En janvier 1655, à l’âge de trente-deux ans, il prenait place auprès des solitaires.