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qui les lui demandait, ces merveilleuses directions spirituelles, où la fermeté se faisait si douce, et la sainteté si charmante.

En 1626 la communauté, étant à l’étroit, se transporta à Paris. Dix ans après, elle avait pour directeur Jean du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran. La mère Angélique, qui retrouvait en lui les vertus du saint évêque de Genève, lui accorda toute sa confiance. L’abbé de Saint-Cyran était lié avec Jansénius, le savant professeur de l’Université de Louvain, plus tard évêque d’Ypres, lequel travaillait à restaurer, contre les jésuites, la pure doctrine augustinienne de la grâce. Saint-Cyran partageait les idées de son ami. Il s’était entendu avec lui pour travailler au relèvement du christianisme dans l’ordre pratique, tandis que Jansénius le restaurerait dans l’ordre théorique. Son principe était que le pécheur, s’il n’aime Dieu véritablement, ne saurait être justifié. Il s’attachait à décrire et à faire pratiquer le genre de vie qui résulte de ce principe.

Directeur de Port-Royal, il rêva pour la communauté d’autres destinées que celles où la bornait la mère Angélique. L’Église était malade. La corruption des mœurs y suivait l’altération de la doctrine. Ce qu’il fallait pour la guérir, c’était un foyer de doctrine et de sainteté dont l’influence se propagerait au dehors. Port-Royal était l’instrument choisi de Dieu pour régénérer son église. Saint-Cyran s’appliqua à en faire le modèle vivant de la vraie morale chrétienne, par opposition à la morale d’accommodement qu’y substituaient les jésuites. Ceux-ci professaient que tout moyen est bon quand on a