Page:Boutroux - Pascal.djvu/99

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La solution, que la raison ne saurait trouver, nous est fournie par la foi. Il a manqué à l’une et à l’autre secte de connaître que la condition présente de l’homme diffère de l’état où Dieu l’a créé. Le stoïque, remarquant quelque trace de sa grandeur première, feint que sa nature est saine et, par elle-même, capable d’aller à Dieu. Le pyrrhonien, ne voyant que la corruption présente, traite la nature comme infirme nécessairement. Or la misère est dans la nature, et la grandeur est dans la grâce, à qui il appartient de réparer la nature ; et la coexistence de la misère et de la grandeur cesse d’être contradictoire, du moment que ces deux qualités résident dans deux sujets différents. Comment cette coexistence est-elle possible ? Elle a sa raison dans l’union ineffable de l’infirmité et de la puissance en la personne unique de l’homme-Dieu. Elle est une image et un effet de la nature double et une de Jésus-Christ.

À mesure que Pascal développait ses idées, M. de Saci ne savait s’il devait admirer ou s’effrayer. Certes, de telles lectures deviennent inoffensives, si l’on sait ainsi tourner les choses ; mais que d’esprits seront impuissants à tirer ces perles de ce fumier ! Combien ne sauront que se perdre avec les philosophes, et devenir, comme eux, la proie des démons et la pâture des vers !

Avec non moins de fermeté que de discrétion, Pascal maintient l’utilité de ces lectures. On doit avoir égard à l’état d’âme, non seulement du chrétien, mais de l’incrédule. L’obstacle à la conversion, chez le philosophe, c’est, ou l’orgueil, fruit du stoïcisme, ou la paresse, suite du pyrrhonisme. Or