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Page:Boutroux - Questions de morale et d’éducation.djvu/19

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vii
avant-propos

à créer une personne autonome, d’autant plus il inculque à l’enfant sa propre personnalité ? À son insu d’ailleurs ; car il est surprenant avec quelle facilité nous admettons que les autres pensent par eux-mêmes, lorsqu’ils pensent comme nous.

Il ne faut pas oublier que l’esprit de l’enfant est encore vide d’idées, et que l’opinion d’être quelqu’un est pour lui très séduisante. Sa passivité sera double, si à l’action naturelle de l’enseignement vous joignez la prescription de l’indépendance et de la personnalité. Il embrassera vos idées avec d’autant plus d’ardeur qu’il se verra autorisé, engagé à les croire siennes. Il sera à peu près dans le cas de l’homme qui est sous l’empire d’une suggestion, et qui se croit d’autant plus lui-même que sa volonté a plus complètement fait place à celle d’autrui.

Tel est l’écueil auquel il faut éviter de se heurter ; et le plus sûr, à cet égard, sera toujours de n’aborder l’éducation de la conscience qu’avec une extrême discrétion. C’est aussi le parti le plus convenable. Car l’école ne doit pas laisser croire à la famille et à la société que celles-ci peuvent se reposer sur elle du soin d’élever leurs enfants. L’école y contribuera, certes, de toutes ses forces, mais à titre de collaboratrice, non d’éducatrice seule responsable. Il s’en faut d’ailleurs que, renfermée dans ces limites, elle soit réduite à l’impuissance.

Supposez les maîtres choisis, ainsi qu’ils doivent l’être, avec le plus grand scrupule au point de vue moral. Déjà leur vie, leur personne, leur honnêteté