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Page:Boutroux - Questions de morale et d’éducation.djvu/32

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avant-propos

plusieurs heures par jour : il ne tardera pas à en avoir assez et à désirer la fin de cet amusement. Si, de cette manière, vous avez su lui imposer comme une tâche les jeux qui vous déplaisent, vous le verrez bientôt, de lui-même, se retourner avec joie vers les choses que vous souhaitez qu’il aime, surtout si vous les lui présentez à titre de récompense pour s’être acquitté de la tâche de jeu que vous lui avez imposée. Avec quelle spontanéité et quelle ardeur ne réclamera-t-il pas ses livres, si vous les lui promettez comme le prix de l’empressement qu’il aura mis à fouetter sa toupie pendant le temps prescrit ! Grâce à de tels artifices, conclut Locke, il dépendra de vous que l’enfant trouve aussi amusant d’étudier les propriétés de la sphère que de jouer à la fossette[1]. »

Rousseau veut enseigner à Émile l’origine de la propriété. Il fait naître en lui l’envie de cultiver un jardin. Il travaille avec lui, non pour le plaisir d’Émile, mais pour son propre plaisir. Émile, du moins, le croit ainsi. Il se fait son garçon jardinier. Émile est ravi de voir pousser ses fèves. Le précepteur suit son idée. « Ceci vous appartient, dit-il ; il y a dans cette terre quelque chose de vous, que vous pouvez réclamer contre qui que ce soit. » Or, un beau matin, on trouve les fèves arrachées, tout le terrain bouleversé. Ô douleur ! ô désespoir ! Et chacun de prendre part à la peine, à la juste indignation de l’enfant. On cherche, on s’informe. Enfin l’on découvre que

  1. Locke, Quelques Pensées sur l’éducation, xviii, trad. Compayré, abrégée.