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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/122

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sente un membre au-dehors, la sage-femme ou le chirurgien ne doit pas hésiter à le baptiser sur ce membre ; tout le monde en convient, et si c’est la tête, St Thomas, St Charles Borromée, le Rituel romain et Benoît XIV, disent que le baptême ne doit point être réitéré, parce qu’il n’y a pas lieu de douter de sa validité, pourvu qu’il ait été bien administré. Mais s’il avait été administré sur un pied ou sur une main, il faudrait le réitérer, sous condition, si l’enfant naissait vivant ; parce que ces membres n’étant point essentiels à la vie, il est douteux que le baptême, administré de la sorte, soit valide.

2o Si l’on n’aperçoit aucun membre à l’extérieur, et si cependant l’accouchement s’annonce comme très difficile ou impossible, Benoît XIV[1] est d’avis qu’on essaie de baptiser l’enfant dans le sein de sa mère. Tournely est du même sentiment. On introduit de l’eau tiède avec la main, une seringue ou un siphon, de manière qu’elle touche l’enfant ou au moins son enveloppe, n’importe en quel endroit, et on prononce en même temps les paroles de la forme. Si l’enfant vient à naître vivant, on doit le rebaptiser sous condition : c’est la décision expresse de Benoît XIV.


Ve QUESTION

UNE FEMME EST-ELLE TENUE DE SUBIR L’OPÉRATION CÉSARIENNE, LORSQUE L’ACCOUCHEMENT EST DÉCLARÉ NATURELLEMENT IMPOSSIBLE ?


1o L’opération césarienne faite sur une femme vivante n’est pas mortelle de sa nature. Des faits attestés par les Mémoires de l’Académie royale de Chirurgie, t. I, et par l’Encyclopédie des Sciences, art. Césarienne, en font foi. On lit que Jules-César, Scipion-l’Africain, Manlius, et Édouard VI, roi d’Angleterre, sont nés par ce moyen. Cette opération est très-dangereuse ; il est rare que les chirurgiens veuillent l’entreprendre, et peut-être plus rare que les femmes consentent à la souffrir, ou que ceux qui les entourent permettent qu’on la fasse.

2o Si la femme était si affaiblie par les souffrances qu’elle fût incapable de supporter cette cruelle opération, il ne serait pas permis de l’entreprendre par intérêt pour l’enfant, parce que ce serait tuer la mère, et on ne doit jamais faire un mal pour obtenir un bien. Par la même raison, si l’on n’a pas la certitude que l’enfant soit mort, ce serait un crime de le briser dans le sein de la mère et de l’arracher par morceaux, comme on dit que cela se pratique souvent ; car l’enfant a droit à sa vie comme s’il était né, et une mère ne peut consentir à cette atrocité pour se délivrer du danger qu’elle court.

3o Mais si un habile chirurgien, voyant l’impossibilité de l’accouchement naturel, était disposé à faire l’opération, et avait l’espoir de réussir, un confesseur devrait engager la femme à s’y soumettre, et se servir pour cela des motifs les plus capables de l’y déterminer. Nous ne pensons pas néanmoins qu’il dût l’y obliger sous peine de lui refuser l’absolution ; car nous ne sommes pas tenus à faire des choses extraordinaires pour conserver notre vie la femme peut espérer que son enfant lui survivra, qu’on pourra, après sa mort, l’extraire de son sein et le baptiser. D’ailleurs, en supposant qu’elle fût obligée par la loi naturelle de se soumettre à cette rigueur pour le salut corporel et spirituel de son enfant, on peut supposer que la bonne foi l’excuse, ou qu’au moins il y a du doute, et dès lors il ne faut pas la laisser mourir sans sacrements.


VIe QUESTION

EST-IL CERTAIN QUE L’ENFANT NE MEURE PAS NÉCESSAIREMENT AVEC LA MÈRE ?


1o Il n’y a plus maintenant aucun doute là-dessus : des exemples innombrables prouvent de la manière la plus évidente la possibilité de retirer un enfant vivant du sein d’une femme morte. Cangiamila en cite beaucoup qui sont bien circonstanciés : dans le petit abrégé de son ouvrage qui fut imprimé à Caen, en 1817, on en cite plusieurs autres qui ne sont pas moins détaillés. Nous-mêmes nous en pourrions citer dont nous garantirions l’authenticité ; entre autres, un qui est arrivé dans la ville du Mans. Par suite de ce que nous avions enseigné là-dessus, deux vicaires forcèrent, en quelque sorte, une femme, au refus d’un chirurgien, d’ouvrir le cadavre d’une femme enceinte qui venait de mourir. L’opération se fit en présence de plusieurs autres femmes : on en tira un enfant plein de vie et de mouvement, et on appela avec joie les vicaires, qui se tenaient dans une maison voisine, pour qu’ils vinssent baptiser cet enfant, qui vécut encore plusieurs heures après.

2o On croyait dans un temps que, pour empêcher l’enfant d’être étouffé, il fallait tenir ouverte la bouche de la femme morte, en y mettant une cuiller ou tout autre objet propre à desserrer les dents : mais il est reconnu que ce moyen est inutile, et que la seule chose nécessaire est de préserver l’enfant des froideurs de la mort, en tenant toujours chaude la région qu’il habite. Pour cela, il faut faire chauffer des linges ou des étoffes, et les appliquer sur le ventre de la mère, en attendant qu’on puisse l’ouvrir.

3o Il arrive quelquefois que les convulsions de la mort font accoucher la femme enceinte au moment où elle expire : les personnes qui l’assistent doivent y faire attention.


VIIe QUESTION

Y A-T’IL OBLIGATION DE FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE SUR UNE FEMME MORTE ?


1o On ne peut plus contester cette obligation, puisqu’il est certain que le plus souvent on réussit à donner le baptême à l’enfant. Un pasteur doit donc instruire ses paroissiens de cette obligation, selon que la prudence le permet, en montrant, d’une part, la nécessité du baptême pour le salut des enfants, et en faisant voir de l’autre combien on serait condamnable, en laissant périr ceux qu’on peut si facilement sauver. Quand on ne réussirait que rarement, on ne devrait négliger aucune occasion ; car, lorsqu’il s’agit d’un sacrement nécessaire au salut, il faut toujours prendre le parti le plus sûr, s’il est

  1. De Synodo Diœcesana, l. 4, ch. 7, no C.