Page:Bove - Mes Amis.djvu/141

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car j’étais honteux. La valise appuyée contre ma jambe faisait descendre mon pantalon.

J’aurais voulu raconter ma vie à cet homme : il se serait peut-être intéressé à moi. J’y tenais d’autant plus que, si je ne le faisais pas, j’aurais été mécontent de moi.

À certains moments, raconter mes souffrances était facile, à d’autres, impossible, surtout quand je m’apprêtais à parler.

Car, chaque fois que je me préparais à parler, ce voyageur cherchait un objet dans sa poche ou bien fixait son regard sur quelque chose. Il n’en fallait pas davantage pour m’en empêcher. Je craignais de déranger un monsieur aussi important. Je sentais que, pour m’écouter, il était indispensable qu’il n’eût rien d’autre à faire.

Dès que nous fûmes sur le trottoir, un taxi vint se ranger devant nous.

J’ouvris la portière aussi difficilement que celle d’un wagon : je ne savais pas de quel côté on tournait la poignée.

Le chauffeur baissa son drapeau et nous examina de haut en bas, comme un cavalier.

Il était si calme que je compris que les efforts que je faisais pour soulever la valise devaient paraître ridicules.