Page:Bove - Mes Amis.djvu/162

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Après avoir acheté des cigarettes High Life qui, malgré cette appellation, ne coûtent qu’un franc, j’entrai dans un bar.

Une vapeur légère s’évadait en sifflant d’un percolateur nickelé. Un garçon enroulé dans un tablier blanc essuyait avec un linge l’empreinte des verres sur les guéridons. Les cuillers sonnaient contre les tasses épaisses, ainsi que de la fausse monnaie.

Comme j’aime à me regarder de profil, je m’installai de façon à voir dans une glace une autre glace reflétant mon image.

Quatre femmes qui fumaient occupaient une table. Leur corsage était teint à la boule colorante. L’une d’elles avait un de ces manteaux sur lesquels on souffle pour savoir si c’est de la loutre.

Justement celle-là se leva et, le manteau ouvert, la cigarette entre deux doigts raides, elle vint à moi. Les talons de ses souliers étaient trop hauts. Elle avançait comme quelqu’un qui marche sur la pointe du pied.

Elle s’assit près de moi.

Sa bouche paraissait dessinée sur la peau, tellement le contour en était net. La poudre de riz, grenue aux narines, sentait bon. Elle