Page:Bove - Mes Amis.djvu/19

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Lorsqu’une personne lui parle, il la dévisage, parce qu’il s’imagine qu’elle veut se moquer de lui. Au moindre sourire, il dit :

— Vous savez… quatre ans de guerre… moi. Les Allemands ne m’ont pas eu… Ce n’est pas aujourd’hui que vous m’aurez…

Un jour, en passant près de moi, il a murmuré : « Fainéant ! » J’ai pâli et n’ai su que répondre. La peur d’avoir un ennemi m’empêcha de dormir pendant une semaine. Je me figurais qu’il cherchait à me frapper, qu’il m’en voulait à mort.

Pourtant, si M. Lecoin savait comme j’aime les travailleurs, comme leur vie me fait pitié. S’il savait ce que ma petite indépendance me coûte de privations.

Il a deux filles qu’il bat seulement avec la main, pour leur bien. Elles ont des tendons derrière les genoux. Un élastique maintient leur chapeau.

J’aime les enfants, aussi quand je rencontre ces deux gamines, je leur adresse la parole. Alors, elles marchent à reculons, et, subitement, sans me répondre, elles se sauvent.

Chaque mardi, Mme Lecoin lave sur le palier. Le robinet coule toute la journée. À mesure que les brocs s’emplissent, le bruit