Page:Bove - Mes Amis.djvu/39

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Quelquefois, je mange à la soupe populaire du Ve arrondissement. Malheureusement cela ne me plaît pas car nous sommes trop nombreux. Il faut venir à l’heure. Par n’importe quel temps nous faisons la queue, le long d’un mur, sur le trottoir. Les passants nous dévisagent. C’est désagréable.

Je préfère le petit débit de vin de la rue de Seine, où l’on me connaît. La patronne s’appelle Lucie Dunois. Son nom, en majuscules d’émail, est cimenté au vitrage de la devanture. Il manque trois lettres.

Lucie a l’embonpoint d’un buveur de bière. Une bague d’aluminium — souvenir de son mari mort au front — orne l’index de sa main gauche. Ses oreilles sont molles. Ses souliers n’ont point de talon. À tous moments, elle souffle sur les cheveux échappés de son chignon. Quand elle se baisse, sa jupe se fend au derrière, comme un marron. Les pupilles