Page:Bovesse - Meuse, 1938.djvu/86

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Mais du coup, d’un coup sec, tous ensemble, ils avalent leur goutte.
BOSRET.

Warnon, remplis les verres.

(Warnon remplit tandis que le pêcheur continue.)

Je lâche ma ligne. Je le prends par la garguette[1]. Je lui tire la tête hors de l’eau. Et tout à coup, j’entends un bruit de cloche. Je lève les yeux vers le clocher de l’église de La Plante. Ce n’était pas ça… C’était lui.
xxxxC’était lui, mes amis, le fameux poisson auquel, il y a quatre cents ans, les Dinantais ont attaché un grelot au cou afin de le retrouver pour le dîner du Roi.


(Simplement.)

Je l’ai renvoyé à Dinant…

(les meinteurs l’entourent en sautillant et en jouant de la gawe[2] et de la flûte à l’oignon.)
BOSRET.

Rossia, c’est bien parlé. Monte sur la pierre de vérité, tu as réussi l’épreuve. Je te sacre Moncrabeautien et comme tel tu vas, illico, participer à nos mystères…

(Le pêcheur descend du trépied.)

Car, aujourd’hui, nous allons faire de Warnon un homme comme nous.

Ce citoyen d’un autre âge a gardé, sur sa vieille caboche ratatinée, le signe de la servitude. Sa perruque a résisté à deux révolutions. Ni la machine à Guillotin ni la mitraille, qui a brisé l’orange sur l’arbre de la liberté, ne lui ont coupé la queue…

  1. Garguette : cou en patois.
  2. Gawe : instrument populaire.