Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/12

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m’avait paru presque gai. Très pressé seulement… Il s’en allait vite, vite… à peine l’avais-je entrevu. Je l’ai accompagné jusque sur la porte, et de l’escalier encore il m’a souri si gentiment. On n’est point ainsi, n’est-ce pas, quand on part pour… pour mourir ? Tandis qu’elle parlait, Me Sigebert avait récupéré quelque assurance.

— Parbleu ! approuva-t-il… Tenez, ma chère petite, voici comme je vois les choses. D’après ce que j’ai ouï raconter tantôt, la veille de votre malheur le désastre en effet semblait devoir être conjuré. Il y aurait eu de grosses pertes, des liquidations onéreuses, mais enfin, tant bien que mal, on s’en tirait. Des arbitrages intervenaient, un consortium de grandes banques… que vous dirai-je ?… Ce serait difficile à vous expliquer et d’ailleurs oiseux. Donc, le matin, il est parti plein d’espoir. Puis, à son bureau, il aura trouvé des télégrammes, le téléphone aura parlé… il aura appris que l’accord ne se faisait pas, que le marché s’effondrait. Et alors, il aura perdu la tête… « Peut-être aussi aura-t-il craint… quoique sans fondement, à coup sûr… que vînt à être mise en cause son honorabilité…

L’orpheline eut un sursaut.

— Oh ! mon cousin…

— Mais puisque je vous dis que non… Appréhensions imaginaires… Je me suis discrètement informé… Il n’a péché que par imprudence… Peut-être même est-ce malchance seulement. Une conscience scrupuleuse cependant est prompte à s’alarmer. Il était trop honnête homme pour faire un bon spéculateur.

— C’est bien ce que ma pauvre maman lui disait quand il a voulu quitter l’armée.

— Voilà précisément ce qui l’aura perdu. Il n’avait pas le front d’airain de Plutus.

Avec son équilibre à peu près recouvré, les