Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

VEUVAGE BLANC


CHAPITRE PREMIER


En ce logis dévasté par la douleur, l’orpheline est seule. Son corps souple et frêle, qu’affine encore la mince étoffe noire, s’affaisse sous le poids d’une peine trop lourde. Elle demeure inerte, la pensée éteinte. Meurtris par les deux nuits de veillée funèbre, brûlés par tant de pleurs répandus, ses grands yeux de pervenche errent sans regard à travers la pièce sombre déjà, où flotte cet on ne sait quoi de lugubre qui est comme l’odeur de la mort.

Dans ce salon luxueux, de froide élégance Louis XVI, l’ombre va s’épaississant. Du dehors ne pénètrent plus que faiblement les blêmes lueurs d’un déclin de journée grise et mouillée. La jeune fille en deuil ne songe point à donner la lumière. Ce n’est pas les domestiques qui y penseront. Au fond de leur office ils tiennent grand conciliabule. Dans l’évidente débâcle leurs gages en retard seront-ils payés ?

L’orpheline a l’intuition de ce qui se passe dans ces basses cervelles et n’ose plus donner d’ordres. À cinq heures cependant, par le jeu automatique du service, on lui a apporté le thé, la femme de chambre a même insisté pour qu’elle goûtât.

— Il faut bien que mademoiselle se soutienne. Voilà deux jours qu’elle ne prend rien. Elle finira par tomber malade.

C’est d’un timide merci que la jeune maîtresse a