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VEUVAGE BLANC

Awfully nice girl ! se dit Randolph Curtis tout en pédalant avec vigueur.

Ce n’est pas du tout à la serpentine brune que s’adressait cette énergique compliment.

Le surlendemain, dans le train qui les emmenait à Paris, il répéta son jugement sur Mlle Fresnaye à Claude, qui chaleureusement s’y associa. Après avoir tiré quelques bouffées de son cigare :

— Dites, old fellow, lui demanda-t-il à brûle-pour­-point, est-ce que vous êtes amoureux d’elle ?

— Moi ?… Quelle idée !

— Pourquoi pas ?

— Parce que… parce que…

Cette bizarre position de la question l’interloquait.

— Vous pourriez plus mal faire. She is a trump, don’t you know… Comment dire ?… Un atout… Enfin elle ferait une capitale petite femme.

— D’accord. Seulement c’est moi qui ne ferais pas un capital mari.

Claude riait du mot drôle. Mais tout d’un coup devenu sérieux.

— D’abord je suis beaucoup trop jeune.

— À vingt-cinq ans ?… C’est vrai que nous sommes du même âge. Mais dans nos idées de l’autre côté de l’eau, je suis en retard et je vais considérer la chose.

Agacé sans trop savoir pourquoi, c’est avec un rien de sécheresse que son ami répliqua.

— Vous êtes riche, mon cher. Un pauvre diable de sorte n’a pas le droit de fonder une famille avant d’avoir trouvé le moyen de la nourrir.

— Chez nous cela ne fait pas obstacle. On s’engage et on s’attend.

— Les fiançailles ne sont pas dans nos coutumes françaises.

Absurd people !