Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
VEUVAGE BLANC

— C’est vrai : tu n’as pas d’héritier proche.

— Aucun autre que le fils de mon unique cousine germaine, Rose Thierry, qui avait épousé le substitut de Vervins, mort conseiller à la cour. Ce garçon est riche, car mon oncle avait fait une jolie fortune comme ingénieur au percement de l’isthme de Suez. Je le connais peu, ce neveu à la mode de Bretagne, mais assez pour ne l’estimer guère. Il n’a que faire de mes quatre sous et, étranger au pays, il s’empresserait de vendre ma pauvre Saulaie. J’ai trop aimé ma chère femme… J’aurais dû me remarier peut-être pour avoir des enfants à qui transmettre le morceau de terre reçu de mes parents.

Un léger coup frappé à la porte du cabinet notarial les interrompit. C’était Louise. Aussitôt arrivé à Ecuyères, le général avait dû aller en Bretagne pour assister comme témoin au mariage d’un de ses officiers. Au retour, un accès de fièvre l’ayant retenu quelques jours à la chambre, c’était sa première visite à son ancien camarade. Ainsi ne savait-il rien encore de ce nouveau membre de la famille.

Dans la ruine de son foyer, sa paternité perdue avait laissé un si cuisant regret à ce cœur fait pour les affections domestiques, que toute jeune fille rencontrée lui inspirait un intérêt attendri. Celle-ci était bien propre à l’attirer particulièrement, avec l’agrément de sa physionomie distinguée et fine, le charme discret émanant de toute sa personne frêle, enfin, par-dessus cela, quelque chose de grave et de fier. Les présentations faites, quelques propos échangés, Louise s’étant retirée après avoir rendu le message dont l’avait chargée Mme Sigebert, le regard du général interrogea. Sans se faire prier, le notaire lui raconta l’histoire. Et pour finir :

— C’est de grand cœur que ma femme et moi l’avons accueillie et bien volontiers, certes, nous la garderions