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L’ENRAGÉ VOLONTAIRE

OU

LA CONSPIRATION DU SILENCE


— On nous a enseigné dans notre enfance, me disait Apemantus, qu’il y a dix parties du discours. La profonde grammaire de l’avenir dira que le silence est la onzième et la plus redoutable, étant désignée pour dévorer toutes les autres, comme le serpent d’Aaron dévora les autres serpents.

Le lieu commun du « silence éloquent », par exemple, n’est pas une sottise, et le « silence des passions » est plus à craindre que la pire loquacité. La « conspiration du silence », autre lieu commun, n’a rien de chevaleresque, sans doute, mais elle est indiscutablement efficace pour tuer un homme supérieur qu’il est impossible de déshonorer. C’est le désert du steppe immense autour du conquérant forcé de mourir d’inanition. C’est la solitude infinie de Dieu lui-même