Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/118

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un bataillon quarré. Une foule de gens habillés de noir, à la tête desquels étoit un homme entiérement couvert d’un grand crêpe, fermoit la marche, & servoit d’arriere-garde. La curiosité m’engagea à voir la fin d’une cérémonie aussi extraordinaire. Je suivis le convoi funebre. Dès qu’il fut arrivé à l’église, on plaça le corps mort au milieu de plusieurs flambeaux : les prêtres l’entourerent, & prirent congé de lui, par quelques airs & quelques chansons qu’ils chanterent. Comme j’étois éloigné, je ne pus distinguer ce qu’ils lui disoient : mais il me parut qu’ils lui souhaitoient beaucoup de repos, de tranquillité, & une parfaite conservation de la vûe [1].

Avant de descendre le défunt dans le caveau, on voulut voir par précaution s’il ne seroit qu’évanoui. Un jeune homme apporta un pot rempli d’eau [2], & chacun lui en jetta sur le visage.

N’ayant donné aucun signe de vie, on l’enferma dans le tombeau : après quoi, l’on chanta encore un petit air sur sa sépulture pour lui dire le dernier adieu. Je n’ai pu

  1. Aaron Monceca fait allusion à ces paroles de l’office des morts : Dona eis requiem, & lux perpetua luceat eis.
  2. L’eau-bénite que les prêtres jettent sur les morts, pour éloigner les mauvais esprits.