Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/127

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différent dispense un François de tant de précautions ; & s’il cache moins les faveurs de sa maîtresse, c’est qu’il a moins à craindre. Un Turc seroit peut-être aussi indiscret, si son intérêt ne l’obligeoit à ne pas l’être. Ces airs de petit-maître, ces façons, ces manieres affectées ne sont pas inconnues en Turquie. Elles se présentent sous d’autres formes, mais sont pourtant les mêmes. Les plumets, les habits brodés, les lorgnettes, les cannes, les tabatieres sont transformés ici, en habillement de chelibi [1], en turban orné de fine mousseline, en boëte de senteur, en tablette à écrire des vers tendres, & en pipes d’un goût fort galant.

La parure, dans tous les pays, est le foible des femmes. Le désir de plaire à un amant qui les a su charmer, & leur hardiesse à tout entreprendre pour y réussir, est une passion qui leur est naturelle. Il n’y a qu’un peu de différence dans la façon de venir à leur but. En France & en Allemagne, une femme-de-chambre trompe un mari, porte les lettres, & prête son secours à sa maîtresse. Un eunuque fait ici le même manege. Lorsque le François s’en apperçoit, il en rit, ou il le supporte patiemment. L’Asiatique

  1. Chelibi, jeune seigneur Turc.