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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/144

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un empire absolu sur les saisons, sur les élémens, & sur les fruits de la terre. Par ce moyen, ils rendent au peuple, du moins ils le lui font accroire, ce que leur famille & leur favori lui enlevent.

Il y a quelque tems qu’un nombre étonnant de chenilles rongeoit & détruisoit tous les arbres : chacun se plaignoit de ces insectes. On eut recours au souverain pontife. Il promit de les exterminer, mais comme il n’étoit pas sur de son fait, & qu’il doutoit que les chenilles eussent assez de complaisance & de docilité pour vouloir crever, il différa pendant long-tems, sous divers prétextes. Enfin la saison devenant fort avancée, & le froid se faisant déjà sentir, il comprit qu’il pouvoit, aidé de l’hyver qui approchoit, risquer son autorité contre ces insectes. Il envoya un simple pontife les excommunier de sa part, & leur ordonner d’avoir à crever le plutôt qu’il leur seroit possible. Elles obéirent d’autant plus aisément, qu’il gela beaucoup cinq ou six jours après l’ordonnance publiée. Le peuple cria miracle. On fit des processions par la ville : les châsses furent promenées en triomphe ; & les moines reçurent beaucoup de charités pour les payer des prieres qu’ils avoient faites.