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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/243

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public [1]. Il s’est trouvé quelques-uns de ces misérables qui ont été la dupe de leur propre crédulité. Ils se sont persuadés que les impostures qu’ils débitoient étoient des vérités.

Gassendi a été témoin oculaire de l’égarement d’un de ces prétendus magiciens. Ce philosophe se trouvant dans un village, où il alloit ordinairement se délasser de ses études, apperçut une foule de paysans qui conduisoient un berger lié & garotté. La curiosité le porta à demander ce qu’avoit fait cet homme qu’on menoit en prison. Monsieur, répondit un paysan, c’est un sorcier, Nous l’avons arrêté, & nous allons le remettre entre les mains de la justice.

Les idées philosophiques de Gassendi furent réveillées à ce mot de sorcier. C’étoit pour lui un plaisir doux que d’examiner par lui-même les fables qu’on débite sur le compte de ces imposteurs. Il ordonna aux paysans de conduire cet homme chez lui, & de le remettre entre ses mains. Comme il avoit beaucoup d’autorité sur les gens de ce village ils n’hésiterent pas à lui obéir.

Mon ami, dit-il au sorcier, lorsqu’il fut seul avec lui, il faut que tu m’avoues naturellement, si tu as fait quelque pacte

  1. Genus hominum, potentibus infidum, sperantibus fallax. Tacit. Historiar. lib. I