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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/319

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ne sauroient assez prendre des précautions pour ne point se laisser aisément emporter à des pensées qui pourroient les tromper.

Le grand art de commander est la plus difficile des sciences. On péche en violant les loix ; mais on péche aussi en les observant quelquefois trop exactement. Il faut pour le bien du peuple & de la patrie, savoir les accommoder aux tems & aux situations. Quelquefois on a laissé sagement prescrire certaines coutumes : il est dangereux de vouloir les ramener à leur naissance.

Si l’on remontoit à la source de tous les usages, on rameneroit souvent des vices qui sont abolis, & pour lesquels ces usages avoient été établis.

On ne doit pourtant point établir une jurisprudence arbitraire : elle entraîneroit après elle un nombre de malheurs & d’inconvéniens. L’équité n’est point écrite clairement dans le cœur des hommes. Chacun ne peut la voir qu’à travers le voile de ses passions, qui la déguisent infiniment.

La justice saine & exacte doit être exempte de préjugés & des mouvements du cœur : il faut la contenir dans des bornes réglées, & la mettre à l’abri des idées fausses & des fantaisies. Entre les deux excès, de trop s’attacher à la