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Lettre IV.

Aaron Monceca, à Isaac Onis, rabbin de Constantinople.

J’ai une question épineuse à te proposer ; & je te prie de l’exposer à quelques autres rabbins de tes amis, pour que je puisse sçavoir leurs sentimens & le tien. J’ai découvert à Paris un nombre infini de juifs, qui le sont, sans croire l’être, & sans en rien sçavoir. Ce que je te dis te semblera un conte fait à plaisir. Rien n’est cependant plus vrai. Tout ce qu’on appelle ici esprit-fort, gens du bel air, femme du monde, n’exercent la religion nazaréenne que dans l’extérieur. Au fond du cœur, il en est très-peu qui en soient persuadés. Ils se contentent de croire un Dieu. Plusieurs pensent que l’ame est immortelle : beaucoup d’autres, ainsi que les saducéens, soutiennent qu’elle est sujette à la mort. Je regarde ces derniers comme des gens dans l’erreur : quant aux premiers, je ne sçais si nous pouvons leur refuser le titre de Juifs.

Ils croyent un Dieu qui a créé l’univers, qui récompense