Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/92

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Elles plairoient à quelques-uns : elles seroient critiquées par d’autres ; mais je crois qu’elles trouveroient dans les moines de dangereux ennemis. Ils ne me pardonneroient jamais la façon libre dont je t’écris sur leur compte. Les traits de galanterie, dont je te parle quelquefois, seroient des offenses, dont tôt ou tard ils se vengeroient. Ils prêchent perpétuellement la nécessité de pardonner, & ne pardonnent jamais. Je vais t’en donner une preuve.

Il y a quelque tems qu’un récollet appellé le pere Placide, dirigeoit la femme de chambre d’une dame fort aimable. Il prenoit ordinairement, pour donner ses instructions à sa pénitente, le tems où sa maîtresse étoit absente. Il ne perdoit point les momens en discours frivoles, & agissoit si bien, qu’il ne tenoit pas à lui qu’il ne donnât à son éleve un avant-goût des plaisirs qu’il lui promettoit dans l’autre monde. Ce moine caffard avoit persuadé à cette fille qu’il avoit le droit d’ôter le crime d’une telle action. Jeanneton qui se piquoit de dévotion, & qui pour tous les biens du monde n’eût point voulu manquer à sa loi, n’auroit pas troqué son amant pour le premier prince du monde, tant elle estimoit le pouvoir