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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/107

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S’il s’y trouve deux ou trois écus, il renvoie fiérement celui qui veut se faire chausser, & continue à racler quelque air sur sa guittare. Ce n’est pas que les Espagnols n’aiment la gloire : la vanité est le premier attribut de leur caractère ; mais c’est une gloire ridicule, qui tient plus de l’arrogance & de la fierté, que du desir d’immortaliser son nom.

La passion de passer à la postérité, lorsqu’elle n’est pas soutenue par l’honneur & la vertu, peut jetter dans de grands égaremens. Erostrate brûla le temple d’Ephèse pour s’immortaliser. On assure que ce fut-là une des raisons qui déterminerent Néron à faire mettre le feu aux quatre coins de Rome. L’empereur Charles-Quint pensa être la victime du transport frénétique d’un idolâtre de l’immortalité. Ce prince se trouvant à Rome, étoit au haut du dôme de S. Pierre, & regardoit dans le bas de l’église.

Un de ses courtisans qui se trouvoit auprès de lui, fut tenté de se précipiter, & d’entraîner l’empereur avec lui. Il lui sembloit que c’étoit un moyen sûr pour éterniser son nom. Heureusement pour Charles-Quint qu’il n’exécuta pas ce projet : & lui en ayant fait confidence, lorsqu’il fut descendu, ce prince le remercia fort de