Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/111

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Je trouve la fermeté dans les malheurs une vertu digne d’admiration. Mais je ne veux point qu’on pousse la constance jusqu’à la barbarie & à la férocité. Je regarde les Stoïciens comme des frénétiques mélancoliques, chez qui la sagesse étoit une vertu barbare, plus à charge qu’utile aux hommes. Je veux une philosophie humaine qui s’accommode au bien de la société, & qui donnant de l’horreur pour le vice, ne me présente point le chemin qui conduit à la sagesse comme un sentier impratiquable. Je demande une morale qui n’impose point un joug insupportable, & qui, mettant un frein à nos passions, nous serve de barrière contre les excès où le tempérament & la violence de nos mouvemens peuvent nous entraîner.

J’estime un philosophe à qui le vice est odieux ; mais je veux qu’il ait de la compassion pour les vicieux, qu’il guérisse leurs défauts par des discours d’où la douceur, le bon sens & la vérité exilent les déclamations pédantesques.

Les véritables Epicuriens (j’entens ceux que n’avoient pas corrompu la morale de leur maître), étoient infiniment plus raisonnables que les Stoïciens. Ces derniers me paroissent des fous, dont l’imagination échauffée avoit fait de l’idée du souverain bien une chimère extravagante