Aller au contenu

Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Plaute, ingénieux, diversifié, rempli de variété dans ses caractères, manque souvent de style. Il tombe quelquefois dans ses meilleures piéces, dans des petitesses indignes du bon goût.

Mais où trouve-t-on plus de variété, plus de noblesse, plus de justesse dans les portraits, plus de netteté & de précision dans le style, que dans le Misanthrope, les Femmes sçavantes, le Tartufe. les Fâcheux, l’Ecole des Femmes & celle des Maris ? Je voudrois placer les bonnes pièces de Molière au-dessus de celles des Grecs ; & les mauvaises qu’il fit pour complaire au peuple, au-dessous des farces Italiennes ; elles ont autant de défauts & moins de brillant qu’elles.

La tragédie, chez les François, me paroît poussée à un point encore plus parfait. Les Romains n’ont jamais rien eu dans ce genre qui ait dû mériter l’attention des connoisseurs. Les tragédies de Sénéque sont les productions d’un déclamateur, plutôt que les œuvres d’un auteur tragique. Il n’a ni assez de sublime pour ravir mon ame, ni assez de tendresse & de connoissance du cœur pour me rendre sensible. Toutes les sentences dont ses écrits sont remplis, ne sçauroient m’émouvoir : il ne m’inspire ni la terreur, ni la crainte ni la pitié.