Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/169

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en amitié qu’elles ne le sont en amour.

Il est à Paris vingt mille femmes qui n’ont eu qu’un amant en leur vie, & qui n’ont pas conservé trois mois de suite le même ami. Cette thèse te paroîtra un peu outrée. Tu douteras sur-tout s’il est possible que dans une ville où les femmes passent pour galantes, il s’y en trouve vingt mille qui n’ont eu qu’un amant. Tu m’accorderois plutôt qu’il y a vingt mille femmes qui n’en ont point eu, que d’avouer qu’elles se sont tenues au premier. Il me semble que je t’entens dire, qu’il faut qu’une femme soit plus sage pour n’avoir qu’un amant, que pour n’en point avoir. Quel effort fait-elle de se passer d’un plaisir qu’elle ignore ? Sa vertu n’a point à combattre des idées dangereuses, qui retracent dans l’esprit certaines situations, qui sont les plus terribles séductions des femmes qui ont aimé.

Je conviens avec toi que mon opinion a quelque chose qui surprend. Mais quand on l’examine, elle paroît plausible, & l’on ne peut guères refuser de s’y ranger. Le caractère d’infidélité qu’on donne aux femmes, est principalement fondé sur le droit que les hommes ont jugé à propos de s’approprier, de leur prescrire des règles sévères, presque impossibles à observer, &