Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/188

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qui l’élevent au-dessus du reste de ses concitoyens. Que m’importe à moi, qu’un homme ait eu un de ses peres capitaine d’une compagnie de chevaux dès le tems des croisades ? Quoi ! je serai obligé d’honorer un imbécille, parce qu’un de ses ayeux aura été assommé par un Sarrazin, ou parce qu’il aura fait le voyage d’outre-mer ? Et je verrai avec indifférence un homme utile au monde entier, dont les préceptes moraux forment les mœurs des peuples ; dont les découvertes mathématiques enrichissent les nations ; dont la science transmet à la postérité la plus reculée l’histoire de notre siécle, ou celle des tems passés ? Il faut être fou ou aussi imbécille que celui qu’on honore, pour préférer la chimérique noblesse à la science & à la vertu.

Les hommes sont bien revenus de cette soumission servile qu’ils avoient pour de vieux contrats. Il a été un tems où l’on avoit dans toute l’Europe autant de respect pour les vieux titres, que les Egyptiens en eurent autrefois pour les crocodiles & pour les oignons de leurs jardins. On a secoué cette servitude, l’on a rélégué cette superstition chez les petits princes d’Allemagne. Dans ce pays, tout homme, qui pour le malheur du genre humain, naît, baron, ou seigneur