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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/207

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été destiné à être l’esclave de cette dangereuse beauté. Un cœur comme le mien ne sçauroit s’accommoder de la façon d’aimer d’une Parisienne. Accoutumé à la sincérité & au naturel de nos Grecques, je ne pourrois souffrir la coquetterie & le manège des Françoises. Il faut être né dans leur pays pour s’accommoder à des manières aussi extraordinaires. En général, les nazaréens croient aimer & n’aiment point. J’oserois soutenir, qu’en France, qu’en Italie, qu’en Allemagne, qu’en Angleterre & même qu’en Espagne, on ne connoît point le véritable amour. Cette passion n’est connue que dans l’Asie : c’est-là où elle regne délicatement, & où elle semble s’accorder avec la raison.

Je ne sçais si tu as jamais réfléchi sur les différens caractères des nazaréens amoureux.

Le François fait le passionné beaucoup plus qu’il ne l’est. Coquet de son tempérament ; léger, volage, étourdi de sa nature ; il danse, il saute, il siffle, il chante, il folâtre auprès de sa maîtresse. Si elle l’écoute favorablement, il la quitte bientôt. Si elle est cruelle, il s’en console : un couplet de chanson contre la belle le récompense de ses peines perdues ; il va jouer auprès