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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/242

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de leurs biens, & de n’épargner que ceux qui se feroient mahométans. Cette cruelle persécution dura près de trois ans, & ne finit que par la mort d’une partie de nos frères, & par la fuite des autres qui passerent dans les Indes & dans le Mogol. On prétend que des lettres venues de Constantinople, qui faisoient mention de l’arrivée du messie, occasionnerent cette sanglante proscription.

Ce messie dont on parloit, étoit l’insigne imposteur Sabataï Sévi, qui a déshonoré notre nation par la crédulité qu’elle eut pour ses mensonges. Il y a encore des juifs à Smyrne qui ont vû ce fourbe. Il avoit choisi cette ville pour le théâtre de ses fourberies. C’est où il acquit cette réputation, qui s’étendit aux deux bouts de la terre, & qui nous fut d’autant plus pernicieuse, qu’elle avoit été éclatante.

Depuis que je suis arrivé ici, on m’a raconté des choses très-singulières de Sabataï Sévi. Il étoit né à Smyrne. Son pere s’appelloit Mardochai, homme mal-sain, sans cesse accablé par des maladies. Lui, au contraire, étoit vigoureux, bien fait de sa personne, ayant le visage un peu refrogné, les cheveux frisés & la moustache retroussée. Il menoit une vie fort austère, observoit