Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/256

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d’y arriver des premieres. Enfin, la mission finit, & le pieux prélat crut que désormais son troupeau étoit sanctifié à perpétuité. Le départ des missionnaires mit toute la ville en larmes : les jeunes filles sur-tout parurent y être les plus sensibles. Les prédicateurs touchés de tant de marques d’amitié, promirent de revenir une autre année. Mais l’évêque se garda bien de les rappeller ; car à la fin de celle-là, l’hôpital se trouva chargé de huit cens enfans trouvés de plus que dans les autres. La mission avoit occasionné cette multiplication. Le beau sexe avoit profité de la liberté de sortir le matin & la nuit.

« Les galans n’étoient point observés dans un tems qu’on croyoit destiné à la pénitence : & l’amour, qui ne perd jamais ses droits, rendoit inutiles tous les discours des bons missionnaires, qui apparemment allerent dans une autre ville servir l’état aussi efficacement, & réparer le préjudice que cause le célibat des prêtres ».

Ce que me disoit ce nazaréen me parut assez plaisant ; mais je vis avec peine comment les hommes abusent des choses les meilleures & les plus utiles, pour favoriser leurs crimes. Les François ne sont pas les seuls chez qui la religion sert