Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/305

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bonheur. L’un dit que son plaisir est de n’avoir aucune peine : un autre ne sçait où le fixer ; incertain, il doute de tout : il y en a même qui nient que la vertu y ait aucune influence. C’est-là, mon cher Isaac, le fidèle portrait de notre aveuglement. Nous disputons pour définir ce qui peut nous rendre heureux. Nous allons chercher bien loin ce que nous avons en nous-mêmes, la vertu, la santé & le nécessaire. C’est-là le vrai bonheur. Quiconque jouit de ces trois choses est parfaitement heureux. Mais comme les deux dernières ne dépendent point absolument de nous, Dieu a attribué à la première le pouvoir de nous consoler de la perte & de la privation des deux autres. Ainsi, mon cher Isaac, on n’est jamais trop malheureux lorsqu’on est vertueux.

La sagesse ne produit pas les ridicules effets que lui attribuoient les stoïciens ; mais elle est une douce consolatrice qui diminue de beaucoup toutes nos amertumes.

Porte-toi bien, mon cher Isaac, & donne-moi de tes nouvelles incessamment.

De Paris, ce…

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