Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/307

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pour engager les moines à prier Dieu, elles disent très-sérieusement à ceux qui vont chez elles : Monsieur, vous aurez la bonté de me payer plus qu’à l’ordinaire ; car c’est pour les ames du purgatoire que je travaille. Elles montrent alors plusieurs quittances de prêtres, enfilées & pendues à côté de leur lit, qui prouvent qu’elles ne friponnent point, & que l’argent qu’elles ont reçu a été employé en prieres & en fondations pieuses. Après ce prélude, elles travaillent efficacement au salut des ames. Lorsqu’elles n’ont point assez de pratique les jours destinés à une si bonne œuvre, elles tâchent d’obtenir gratis quelques prieres pour l’ame de leurs parens. Il est vrai que ceux qu’elles employent à cet office, ayant réciproquement besoin de leur secours, ils ne sont point barbares les uns aux autres, & s’accommodent aisément d’une telle manière qu’il n’est pas besoin de rien débourser.

Le zèle & la dévotion de ces courtisannes te paroîtra extraordinaire ; mais la débauche à Venise est conciliée dans tous les différens états avec la religion. Il n’y a guère de moines, de prêtres, d’abbés, de monsignori, qui n’ayent une maîtresse de louage. Lorsqu’un homme n’est point assez