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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/31

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au paysan, & du paysan au philosophe.

De grands hommes ont cru l’ame matérielle, quoiqu’immortelle. Plusieurs anciens philosophes ont été de ce sentiment : & c’est l’opinion d’un des premiers & des plus célèbres docteurs nazaréens. [1]

Tout ce qui n’est pas matiere, disoit-il, n’est rien. Or l’ame est quelque chose. Donc elle est matérielle. Mais il n’est rien de si aisé que de prouver la possibilité de la spiritualité de notre ame. Dieu est un esprit. Il existe. L’ame peut donc être spirituelle & exister. [2]

  1. Cum autem sit, (loquitur de animâ) habeat necesse est aliquid per quod est : si habet aliquid per quod est, hoc erit corpus ejus. Omne quod est corpus est sui generis : nihil est incorporale, nisi quod non est. Tertullian. de Carne Christi, cap. XI.v
  2. Cet argument n’eût pas embarrassé Tertullien ; car, quoiqu’il crût Dieu un esprit, il entendoit par esprit une nature corporelle, mais extrêmement déliée. Qui peut nier, dit-il, que Dieu ne soit corps, bien que Dieu soit esprit ? Tout esprit est corps, & a sa figure qui lui est propre. « Quis enim negabit, Deum esse corpus, etsi Deus spiritus est ? Spiritus etiam corpus sui generis, in suâ effigie. » Tertull. advers. Prax. cap. VII. Tous les anciens philosophes, si l’on en excepte Platon, qui, cependant a bien eu encore des idées fausses de la nature de Dieu, ont cru qu’il étoit composé d’une matière subtile. C’est ce qu’ils ont entendu par le terme Esprit. Plusieurs peres de l’église ont donné dans la même erreur. Les lecteurs pourront voir la preuve de cette vérité dans les Mémoires secrets de la république des lettres. Lettre V.