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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/333

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que vous ne voudriez pas vous brouiller avec les journalistes ; fut-ce même avec ceux de Trévoux, dont les ouvrages ne sont lus que par les épiciers & les beurrières. Vous craignez trop qu’on critique les livres que vous imprimez. Il est vrai, répondit le libraire, que je suis forcé à les ménager ; mais je ne les en aime pas davantage. S’ils louent mes livres, je sçais bien ce qu’il m’en coûte. Il n’y a pas un seul extrait, que je ne paye une pistole. Vous avez, répliqua le chevalier de Maisin, l’agrément de faire annoncer comme un excellent livre un ouvrage souvent très-pitoyable. Il se trouve nombre de nigauds qui croient pieusement les journalistes comme des oracles, & qui, sur leur simple approbation, achetent chèrement les plus mauvais livres. Il est vrai que vous empoisonnez le public des fades productions de trois ou quatre mauvais auteurs. Mais dans la république des lettres, ce crime n’est point puni. Il est permis aux mauvais écrivains de faire des livres, aux sots de les lire, & aux libraires de les vendre le plus chèrement qu’ils peuvent. Hé ! comment vivrions-nous, dit le libraire, si