pas trop bien dans ses affaires. Il est peu de gens qui sçachent distinguer un bon livre d’un mauvais. Pourvû qu’il soit nouveau, on trouve à le vendre. Nous avons soin d’en faire faire un pompeux éloge dans les journaux ; & le public, toujours dupe & toujours amateur de la nouveauté, achete indifféremment le bon & le mauvais.
Tu seras moins surpris, mon cher Isaac, de ce que disoit ce libraire, si tu considères, qu’il est peu de gens en état de distinguer les solides beautés du clinquant, & du faux-brillant. Un livre où tout est dans un parfait arrangement, où la beauté des pensées répond à l’ordre des choses, n’est point un ouvrage qui frappe autant l’imagination de certaines gens, qu’un autre qui présentera à l’esprit quelques saillies vives & brillantes, mais qui ne sont point continuées ; semblable à ces feux, qui tout-à-coup semblent vouloir embraser l’univers, & qui s’éteignent un moment après. Les femmes sur-tout aiment beaucoup les livres qui saisissent leur attention par quelque aventure extraordinaire. Le sublime, le grand, le beau les amuse moins que le merveilleux & l’extraordinaire. Aussi voit-on qu’elles aiment beaucoup plus la lecture des romans, que des livres d’histoire ; quoique