Aller au contenu

Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

royoient trois personnes en Dieu : & lui il en croyoit des millions par son systême. Un sentiment aussi ridicule rendoit Dieu perpétuellement contraire à lui-même ; car lorsqu’une certaine quantité de matière vouloit une chose qui n’étoit pas du goût d’une autre, deux dieux se disputoient : ensorte que tous les hommes étant eux-mêmes des portions de la divinité, elle étoit souillée de tous les crimes. Il ne falloit plus dire : Un voleur a tué un honnête-homme : mais un dieu coquin a tué un dieu honnête.

Considère, mon cher Isaac, s’il est rien de si ridicule, que de nier la spiritualité de Dieu. Il faut, ou soutenir qu’il n’existe pas, ou avouer qu’il n’est point matériel. Je me suis assez étendu dans une de mes lettres sur la nécessité d’un être souverainement parfait, puissant & intelligent, & sur le chimérique systême des atômes. Il faut être privé des notions les plus simples, pour penser que le hazard puisse produire un ordre tel que celui qui regne dans l’univers ; & que ce même hazard, qui n’est qu’une confusion, puisse le soutenir : ensorte que la régle & l’harmonie sont la suite d’un désordre & d’un trouble perpétuel, & qu’un aveugle destin ordonne & conduise ce qu’on est étonné que puisse faire la plus sage prudence. S’il est donc clair & manifeste qu’il existe un Dieu, & qu’il est spirituel, pourquoi