Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/340

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à l’utile : la lecture des livres d’histoire, de morale, d’une philosophie sensée, seroit la base des occupations des gens qui voudroient sçavoir quelque chose. Il est vrai que ce rafinement de goût seroit un coup mortel pour la plûpart des auteurs.

Bien des écrivains qui vivent de quelques historiettes, mal digérées, qu’ils font imprimer, seroient peut-être réduits à se faire cordonniers, Au fond, quel mal cela causeroit-il ? Il y auroit moins de mauvais auteurs, & les souliers en seroient à meilleur marché. L’état & la république des lettres profiteroient tous les deux à ce nouvel arrangement. Cette dernière se déferoit de mauvais sujets qui la déshonorent : & le royaume verroit grossir le nombre de ses artisans. Peut-être les auteurs qui changeroient de rang seroient-ils charmés de leur nouvelle condition. Combien de cordonniers font meilleure chère que des écrivains ? Combien en est-il de ceux-ci, qui sans la bonté qu’ont ces mêmes cordonniers de leur faire crédit, iroient à moitié pieds nuds ; Quelque amour qu’ils aient pour la gloire, ils connoîtroient bien-tôt qu’un artisan qui est tranquille chez lui, assuré de son souper & de son dîner, est