Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/344

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Et toute l’autorité que peut avoir acquis un auteur pendant deux mille ans peut-elle balancer la raison & l’évidence ?

La folie de déïfier les défauts & les fautes des anciens, est commune à tous les commentateurs. Il semble que les louanges qu’ils donnent aux auteurs qu’ils commentent, retombent en partie sur eux-mêmes. Un commentateur se regarde avec son auteur, comme ne faisant qu’une même personne. Dans cette vûe, l’amour-propre joue admirablement son jeu ; & il partage l’encens qu’il fait fumer à la gloire d’un autre.[1]

Ce qu’il y a de plus particulier, c’est que les commentateurs ne louent pas seulement leurs auteurs, parce qu’ils les estiment, mais encore parce que c’est la coutume, & que l’usage a établi cette mode. Un commentateur passeroit parmi ses confrères, pour peu instruit des matières sur lesquelles il travaille, s’il ne louoit d’une manière hyperbolique le livre & le mérite de son auteur.

Il est trois sortes d’ouvrages qui sont faits pour tendre des piéges à la raison & à l’esprit, en les préoccupant de fausses idées : les commentaires, les journaux & les préfaces.

  1. Mallebranche, recherche de la vérité, part. II, chap. IV, pag. 200.