les hommes veulent l’ignorer. Mais quel est celui qui n’est pas persuadé, quelque méchant qu’il soit, qu’on ne doit pas naturellement faire aux autres ce qu’on ne voudroit pas éprouver soi-même ?
Préjugé à part, il n’est point de scélérat, de voleur, quelque endurci qu’il soit, qui ne sente son crime. Du moins ne peut-on nier qu’il connoît lorsqu’il assassine un homme, qu’il ne voudroit pas qu’on lui en fît autant. Il ne faut que ce sentiment pour distinguer le bien & le mal. S’ils sont donc différens, Dieu doit les juger différemment ; & s’il ne le fait dans ce monde, sa justice n’en est que plus rigoureuse dans l’autre.
La plûpart des gens qui nient l’immortalité de l’ame ne soutiennent cette opinion que parce qu’ils le souhaitent. Ils se figurent pouvoir calmer les remords dont ils sont dévorés. Mais au milieu de leurs débauches & de leurs plaisirs, la vérité qui se fait sentir malgré eux, commence les supplices auxquels ils sont destinés après leur mort.
Je ne connois rien de si mortifiant pour la vanité humaine, que l’idée de l’anéantissement. Elle a quelque chose en soi capable de produire le désespoir. Il faut connoître bien peu tout le prix de la faculté de concevoir, de penser & de raisonner, pour se