Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/55

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qui s’enrhume à force de crier, & qui souvent ennuie ses auditeurs. Les auteurs qui travaillent à des romans doivent s’attacher à peindre les mœurs d’après nature, & à dévoiler les sentimens les plus cachés du cœur. Comme leurs ouvrages ne sont que fictions, ils ne peuvent plaire qu’autant qu’ils approchent du vraisemblable. Tout ce qui tient du merveilleux outré n’est pas prisé davantage chez les gens de goût que ce qui sent le galimathias. L’un & l’autre vont ordinairement ensemble ; & les auteurs qui donnent dans des idées gigantesques ou peu naturelles, ont ordinairement un style de déclamateur, & qui vise à la diction pompeuse & inintelligible.

Le style des romans doit être simple : il doit être plus fleuri que celui de l’histoire, avoir un peu moins d’énergie & de majesté. La galanterie est l’ame du roman ; la grandeur & la justesse celle de l’histoire. Il faut beaucoup d’usage du monde pour exceller dans l’un : il faut de la science & de la politique pour se distinguer dans l’autre, Le bon sens, la précision, la justesse dans les caractères, & la vérité dans les portraits, la pureté du style sont nécessaires dans tous les deux. Les dames sont les juges nés de la bonté d’un roman. La