Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/61

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de faire naître tous les humains Israëlites. Ne formera-t-il des nazaréens & des musulmans, que pour les rendre misérables ? Et sa souveraine bonté pourra-t-elle se complaire dans l’injustice & la cruauté ?

Je sçais que nos rabbins ne se désistent point de l’opinion de la réprobation des nazaréens &, & qu’ils en font un point essentiel de notre religion. Mais je dépouille cette vieille autorité qu’ils ont acquise sur nos cœurs. La saine philosophie m’apprend à examiner un sentiment avant de l’adopter. Lorsque j’étois jeune, je me suis laissé emporter par crainte & par foiblesse, à croire tout ce que m’enseignoit ma nourrice, mes parens & mes maîtres. L’âge m’a appris à réformer mon entendement, & à faire une exacte revûe de toutes les opinions que j’avois reçues. Je ne donne de croyance aux rabbins qu’autant que leurs décisions s’accordent avec les idées claires & distinctes que j’ai reçues immédiatement de Dieu.

Je me ris dans le fond du cœur de l’attachement ridicule que les juifs ont pour les fictions du Talmud : & pénétré du fonds de notre religion, j’en condamne les superstitions.

Je n’avouerois pas de pareils sentimens à aucun autre mortel que toi ; mais je ne sçais