Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/181

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qu’on a soutenues vivement pendant des siécles. Au lieu de ces vaines disputes, qui ne servoient qu’à embrouiller la raison, on se fût communiqué de bonne-foi ses réflexions mutuelles ; & l’on eût peut-être éclairé ce que l’on ne comprenoit point, quoiqu’on en discutât ardemment. On faisoit des volumes énormes par leur grosseur, qui n’étoient remplis que de mots, & qui n’offroient rien à l’entendement. Une simple question de physique éclaircie en deux pages par Descartes, auroit suffi pour former un in folio. Il faut rendre la justice à Aristote, d’avouer que sa physique est beaucoup plus passable, dénuée des rêveries que ses différens commentateurs y ont ajoutées. On peut même dire, que ce philosophe est un esprit très-vaste & très-étendu. Il a parfaitement réussi en ce qu’il a dit des passions dans sa rhétorique. Ses livres de politique & de morale contiennent de fort belles choses. Mais quant à ses huit livres de physique, ils n’apprennent rien que l’on ne sçache déja, & ne disent presque que des choses qu’il est impossible d’ignorer.

Quel est l’homme dans l’univers, qui ne sçache que, pour que la matière acquiere une nouvelle forme, il faut qu’elle ne l’eût pas auparavant ? [1]

  1. C’est-à-dire, qu’elle en eût la privation.