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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/187

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persuader monsieur. Quant à moi, je n’irai pas chercher des démêlés avec des gens au-dessus de moi. Je suis déja baptisé, & n’ai point envie d’être jetté dans la rivière. Croyez-moi, mon révérend pere, excommuniez monsieur : peut-être vous obéira-t-il alors. La mauvaise plaisanterie du batelier, qui cherchoit d’appaiser le courroux de l’officier, acheva de mettre le moine en fureur. Il abandonna sa place à la fin ; & alla se loger dans un autre coin du bateau. Vous ne connoissez pas, me dit alors l’officier, cette race monacale. Elle est aussi incommode aux voyageurs, que les créanciers aux jeunes gens. Si on écoutoit ces freres coupe-choux, on seroit oblige de se contraindre dans tout ce qui n’est point de leur goût.

Pendant que cet officier me tenoit ce discours, nous arrivâmes à la dînée. Le moine me dit avec un air bénin, dès que nous fûmes sorti du bateau, comment avez-vous trouvé, monsieur, le procédé de cet officier ? Les gens de ce métier sont insupportables, brusques, hautains & sans égard pour les personnes les plus respectables. Il semble qu’ils sont en droit de traiter les personnes, avec lesquelles ils se trouvent, comme ils traitent les ennemis du roi. J’aimerois mieux voyager avec dix courtaux