Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/189

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de demandes & de mauvais raisonnemens dans deux heures de tems, que vous n’en avez essuyé de votre vie. J’ai éprouvé ce que je vous dis. Dans un voyage que j’ai déja fait avec lui, il m’avoit rendu sourd à force de parler, de siffler & de chanter. Quelquefois il fait ces trois sortes de choses à la fois. Il arrive même souvent qu’il y en joint une quatriéme, qu’il danse, cabriole. parle, siffle & chante en même tems. C’est le plus pétulant mortel que le soleil éclaire.

Le ton de voix, l’air composé de celui qui me parloit, & sa figure maigre & séche me donna la curiosité de le connoître. Après l’avoir remercié de ses avis, je lui demandai s’il alloit bien loin ? Je vais, me répondit-il, à Montpellier. Une maladie incommode, dont je suis atteint, m’oblige à faire ce voyage. Ce qu’il y a de plus triste pour moi, c’est que je n’ai point mérité le mal qui m’accable. Je porte la pénitence des péchés de ma perfide épouse. Comment donc, lui dis-je, monsieur, une personne aussi chère a-t-elle pû vous nuire ? Sans doute, c’est innocemment qu’elle a occasionné vos maux ? Je vais, reprit cet homme, vous dire en peu de mots la cause de mes malheurs.

« Dès ma plus tendre jeunesse, je m’appliquois à l’étude de la philosophie : je cherchois à pénétrer dans la