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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/259

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entre lui & le chevalier de l’ardente épée, qui d’un seul revers, avoit coupé par la moitié deux géans de grandeur effroyable. Bernard de Carpio étoit fort bien avec lui : parce que dans la plaine de Roncevaux, il étoit venu à bout de Roland, tout enchanté qu’il étoit, se servant de l’adresse d’Hercule, qui étouffa entre ses bras ce prodigieux fils de la terre. Il parloit aussi fort avantageusement du géant Morgan, qui pour être de cette orgueilleuse & discourtoise race de géans, étoit cependant civil & affable. Mais il n’y en avoit point qu’il aimât autant que Renaud de Montauban, sur-tout quand il le voyoit sortir de son château, & détrousser tout ce qu’il rencontroit : & lorsqu’en Barbarie il déroba cette idole de Mahomet, qui étoit toute d’or, à ce que dit l’histoire. [1]

Tu vois, mon cher Jacob, que le parallèle entre le héros de Guipuscoa, & le héros de la Manche, est fort juste, & qu’ils embrasserent tous les deux leurs états par des raisons aussi extravagantes les unes que les autres. Cependant dom Inigo, dans la suite surpassa de beaucoup dom Quichotte : & malgré ses folies, il ne laissa pas de fonder une puissante & formidable société ; car il faut que tu sçaches, que dom

  1. Dom Quichotte, liv. I. pag. 12.