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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/45

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il plaide pour la fortune ou pour les biens d’un particulier. S’il s’agit d’une affaire où quelque homme de distinction soit intéressé, c’est la matière d’un plaidoyer célèbre. Mais, quelque procès qu’un avocat puisse défendre à Paris, il n’en est aucun dont le fonds dénué d’ornemens, puisse inspirer une certaine grandeur à l’esprit des auditeurs, saisir tout-à-coup leur attention, & les élever à des notions qui leur soient presque inconnues. Quel est l’esprit qui ne soit frappé lorsqu’il entend un orateur annoncer qu’il plaide pour la fortune d’un roi ?

Le commencement de l’oraison de Cicéron pour le roi Déjotarus, & tout l’exorde du même plaidoyer, chef d’œuvre d’éloquence, doit moins sa beauté aux secours de l’art, qu’à la noblesse du sujet. Qu’un avocat prévienne les auditeurs dans les termes les plus élevés, qu’il plaide pour un François accablé des coups de la fortune, en proie aux caprices du destin, & dont les vertus font rougir ceux-mêmes qui le persécutent ; qu’il intéresse les hommes & les dieux dans l’arrêt qui va décider du sort de sa partie : il peut, par un choix de termes harmonieux, par des phrases bien cadencées, frapper l’oreille agréablement ; mais il n’attachera jamais l’esprit,